Carol I în medalistică / Charles Ière dans l'art de la medaille

  • Subiect: Cette étude constitue une nouveauté absolue dans les recherches dédiées à l'art de la médaille roumaine. Il se propose de mettre à la disposition tant des historiens et des historiens de l'art une sélection significative, complètement illustrée, de médailles et de plaquettes aux effigies du fondateur de la dynastie roumaine - Charles 1er d'Hohenzollern-Sigmaringen (1866-1914). Bien que l'étude systématique des médailles roumaines ne remonte qu'à la fin du XIXe siècle et au premières années du XXe siècle, nous ne disposons pas encore d'un catalogue complet, qui comprenne tant la description des pièces, que les données techniques essentielles et l'illustration complète de chaque type et de ses variantes. En abordant le thème des effigies princières et royales de Charles 1er dans l'art de la médaille les auteurs se sont engagés en une entreprise à la fois difficile et fascinante. À l'exception de trois études partielles, portant sur la seule époque de Charles Ier - celle de C. Moisil, de 1939, et celles de Carmen Tănăsoiu, le thème du portrait royal n'a pas fait l'objet d'études à part. Pour combler ce manque, les auteurs ont dû examiner une quantité impressionnante de documents numismatiques conservés dans les plus importantes collections publiques et privées. L'aire de leurs investigations ne s'est pas limitée, comme d'habitude, à la seule sphère des émissions «officielles», mais s'est élargie à la catégorie très originale des médailles «populaires», généralement peu connues, et des projets et maquettes, pour la plupart, inédits. Cet effort a certes été récompensé par la découverte de nombreux types et variantes inédits, qui sont, pour la première fois, mis à la disposition des intéressés. Dans le riche matériel que nous avons étudié, nous avons choisi les exemplaires les plus représentatifs, qui illustrent de façon éloquente non seulement l'œuvre des artistes ayant travaillé pour la Maison Princière, devenue ultérieurement la Maison Royale de Roumanie, mais aussi les changements intervenus dans la physionomie du chef de l'État roumain moderne entre 1866-1914, en sa qualité d'être humain, marqué par l'écoulement inéluctable du temps, au fil du changement des étapes de la vie privée et officielle, de même que l'impact qu'ont eu sur les représentations en médaille les traits de caractère spécifiques de sa personnalité. Tout aussi important s'avère, pour l'historien, l'historien de l'art ou le collectionneur, l'impact des grands courants artistiques européens sur le style et la technique des représentations en médaille entre 1866 et 1941. Étant donné que, dans bien des cas, le monarque roumain était le commanditaire direct des médailles ou des plaquettes, ou qu'il aura eu le dernier mot dans la sélection de projets de médailles «officielles», son éducation artistique, son goût et préférences ont profondément marqué l'art roumain de la médaille. Comme les médailles aux effigies du souverain ont beaucoup circulé dans les milieux de l'élite politique, économique et sociale de l'époque, le ton que ceux-ci auront donné , en fait, a influencé l'ensemble de l'art roumain de la médaille entre 1866 et 1914. Les médailles parlent d'elles-mêmes de la manière très personnelle dont le monarque roumain entendrait être un «gens de son époque», de la manière dont il comprirait la «modernité», manière illustrée par des détails en apparence mineurs, mais non dépourvus de sens plus profonds, comme, par exemple, l'évolution du costume, des coiffures ou des barbes à une époque où le monde européen a subi des mutations artistiques, culturelles, philosophiques, politiques et sociales radicales. La réalisation d'une étude avec une thématique pareille est partie de la nécessité de rendre accessible au spécialistes une source historique extrêmement directe de connaissance d'une époque et d'un certain nombre de personnalités politiques qui ont joué un rôle majeur dans l'histoire de l'État roumain moderne. Frappées sous l'empire éphémère de l'instant, pour immortaliser des événements que les contemporains considéraient comme dignes d'être commémorés, mais que l'Histoire a oublié ou a couvert de sa poussière, les médailles et les plaquettes offrent des informations utiles sur des hommes, des faits et des lieux qu'on peut revoir aujourd'hui à travers le regard de ceux qui en ont été les témoins directs. Les auteurs proposent aussi de dépasser une certaine barrière psychologique. On sait déjà que, au cours des dix dernières années, le problème de la monarchie roumaine a fait l'objet d'amples débats. Ceux-ci ont dépassé le cercle des seuls spécialistes, entraînant le monde politique et, par réverbération, le large public. Après 1990, le sujet de la monarchie s'est libéré des innombrables tabous dont i l fut l'objet pendant la période 1948-1990. Par un effort remarquable des historiens i l s'est libéré, en bonne mesure, tant des mystifications grossières et des jugements tendancieux que des demi-vérités qui ont marqué ce domaine de l'histoire moderne et contemporaine durant les longues décennies du totalitarisme. En même temps, surtout ces dernières années, ce thème a été débarrassé de certains accents «hagiographiques» qui parfois ont accompagné les démarches visant à revaloriser la place de la monarchie dans l'histoire moderne de la Roumanie. Bien que l'exploitation de plus en plus intense des archives historiques ait permis de faire de grands progrès, nous considérons que les médailles et les plaquettes, ainsi que d'autres matériels iconographiques, sont des sources aptes à compléter l'image générale de la société roumaine qui se trouvait à un carrefour de son évolution, à éclaircir ou à nuancer une série de domaines moins élucidés de la politique intérieure et étrangère roumaines, à ouvrir de nouveaux champs de recherche, concernant principalement le vécu psychologique du personnage Charles 1er que le destin a arraché à son milieu, l'obligeant à commencer une vie nouvelle, à la tête d'un État jeune, situé, à l'époque, aux confins de l'Europe. Pour le spectateur objectif, les images et les légendes des médailles et des plaquettes présentées dans cette étude, et le rythme de leur frappes successives peuvent offrir des données intéressantes sur la classe politique roumaine de l'époque, et de toutes les époques. Le moyen «princier» de la médaille comme véhicule de la propagande politique au sein des élites et des masses n'a pas été utilisé en Valachie et en Moldavie avant la deuxième décennie du XLXe siècle. Les «médailles» attribuées dans le passé à Michel le Brave ou à Constantin Brancovan étaient, en fait, des émissions monétaires, et la «médaille» de Constantin Hangerli est une émission posthume, frappée à l'étranger. Les premières médailles roumaines furent frappées en 1811, pour la Valachie, et 1838, pour la Moldavie, mais ce phénomène resta sporadique jusqu'aux années 1839-1840. Ce n'est qu'à partir de ce moment que l'on peut'parler d'émissions relativement constantes. I l convient de mentionner que la médaille dédiée au prince Michel Stourdza porte, pour la première fois, le portrait de celui-ci - indiscutablement, i l s'agit là d'une manifestation d'autonomie, puisque le pouvoir suzerain, l'Empire ottoman, était nettement hostile à toute démarche de ce genre. Avant 1859, le nombre des médailles émises est plutôt modeste. Pour une période de 48 ans, on n'en connaît que quelque 30 types, conservés, pour la plupart, en peu d'exemplaires, ce qui atteste le volume réduit des émissions. Après l'union du 24 janvier 1859 de la Moldavie et de la Valachie et la création de l'État moderne de Roumanie, sous le règne d'Alexandre Jean Cuza, le recours à la médaille comme modalité de populariser les réalisations de l'époque et de transmettre certains messages politiques à l'intérieur ou à l'étranger devint plus fréquent, à mesure que la société roumaine se modernisait. On a identifié de cette époque quelque 40 types de médailles, émises pendant huit ans à peine. Bien que, pendant la seconde moitié du XLXe siècle, la médaille doive de plus en plus faire face à la concurrence de la lithographie et, plus tard, de la photographie, Charles 1er, de même que de très larges cercles de la société roumaine lui accordèrent un rôle très important. Il existe des preuves attestant que le souverain s'est intéressé par très près au processus de frappe des médailles et des plaquettes, choisissant lui-même les artistes et les représentations. Sans doute, dans le cas de Charles 1er, la formule «la médaille est le miroir des rois» s'applique t elle plus que jamais. Des médailles et des plaquettes étaient conservées dans toutes les résidences princières ou royales et, en 1911, Charles 1er en donna un grand nombre à la Société numismatique roumaine. Sur quelque 650 types de médailles et de plaquettes émises entre 1866 et 1914, 175 portent l'effigie ou le nom et le titre de Charles 1er. Viennent s'y ajouter quelques dizaines de médailles, plaquettes, jetons et insignes portant l'effigie ou les noms des membres de la famille régnante, notamment de la reine Elisabeth et de la princesse Marie, connues pour leur préoccupations artistiques et de mécénat. D'ailleurs, l'essor de l'art de la médaille pendant les années 1866-1914 se reflète dans le fait que presque la moitié des pièces présentées dans Cette étude datent de cette période. Durant les premières années du règne du prince Charles 1er de Hohenzollern-Sigmaringen, des médailles ont été utilisées comme un instrument pour affirmer la souveraineté de l'État roumain par rapport à l'Empire ottoman, lequel essayait par tous les moyens d'en accentuer le statut de vassalité. Les médailles en or, en argent et en bronze «Bene Merenti», frappées à l'effigie du jeune prince régnant ont été introduites en Roumanie d'après le modèle de celles utilisées par son père, le prince Karl-Anton de Hohenzollern-Sigmaringen, après 1849, quand la plupart des droits souverains des princes de Hohenzollern-Sigmaringen furent transférés à la branche de la vie politique roumaine des dernières décennies du XLXe siècle et des quatre premières décennies du siècle suivant. A la différence des émissions «officielles», ces médailles étaient produites par des firmes privées, pour des raisons strictement économiques, étant destinées à la commercialisation parmi les tenants de la classe moyenne ou du petit peuple. L'existence de séries assez nombreuses reflète non seulement la constitution d'un marché large et rentable dans ce domaine, alimenté par le goût faubourien pour les médailles - que Caragiale ne manque pas de tourner en ridicule - mais aussi la popularité dont jouissait l'institution de la monarchie dans les couches profondes de la société roumaine. Le succès des médailles populaires indiquait avec certitude l'acceptation définitive de la dynastie de Hohenzollern-Sigmaringen au sein de la nation, après une série de difficultés de cohabitation, entre 1866 et 1878. Un nouveau moment d'effervescence dans l'activité de frappe de médailles se produit en 1891. A l'occasion du 25e anniversaire du règne et pour les 10 ans depuis la proclamation du royaume, furent émis 13 types de médailles et de plaquettes commémoratives, dont huit «populaires». Une autre période riche en frappes de médailles fut 1906, à l'occasion du 40e anniversaire de l'élection du prince Charles 1er de Hohenzollern-Sigmaringen comme prince régnant de Roumanie. On a de cette époque 15 types de médailles et de plaquettes commémoratives dédiées à cet événement, dont deux seulement sont «populaires». C*est ô cette occasion qu'apparaissent dans l'art roumain de la médaille les représentations affrontées ou accolées de Charles 1er jeune et vieux. Les médailles portent le portrait «à favoris» de 1866, quand le roi avait 27 ans, et celui de 1906, à longue barbe coupée en pointe, à l'âge de 67 ans. Le type des portraits dans le «miroir du temps» avait été largement utibsé dans l'art britannique, autrichien ou allemand de la médaille de la seconde moitié du XLXe siècle et du début du XXe siècle. L'apogée de l'activité de frappe de médailles pendant le règne de Charles 1er fut enregistré en 1913, avec l'intervention de la Roumanie dans la Deuxième Guerre balkanique, suivie par la Paix de Bucarest, qui non seulement entérinait l'annexion de la Dobroudja du Sud (ou Quadrilatère), mais faisait du souverain roumain un «leader régional». On a, de cette année, 22 types de médailles et de plaquettes commémoratives, dont sept «populaires». Un chapitre d'un intérêt spécial est celui des médailles sur lesquelles le portrait de Charles 1er est associé aux portraits de personnalités de premier rang de l'histoire nationale roumaine, comme l'empereur Trajan, le prince de Valachie Mircea l'Ancien ou les princes de Moldavie Etienne le Grand et Basile Lupu. Les premières médailles et plaquettes de ce genre apparaissent en 1904, à l'occasion de la restauration des églises de Saint-Nicolas et des Trois-Hiérarques de Jassy, fondées par Etienne le Grand et Basile Lupu et refondées par le roi Charles 1er et la famille royale. Sur la plaquette officielle apparaissent les portraits d'Étienne le Grand et de Charles 1er, tandis que, sur les médailles «populaires», le portrait du roi, en position «d'honneur», est flanqué de ceux des princes Etienne le Grand et Basile Lupu. En 1906, à l'occasion de la célébration de 40 ans de règne de Charles 1er, furent émises plusieurs médailles et plaquettes sur lesquelles apparaissent les bustes affrontés ou accolés de l'empereur Trajan et du roi Charles 1er, en leur qualité de «pères de la nation roumaine». Les derniers portraits associés, à savoir ceux de Charles 1er et de Mircea l'Ancien, apparaissent sur une série de médailles émises en 1913. Ces médailles devaient commémorer l'annexion de Silistra et du Quadrilatère, après la victoire sur la Bulgarie, au cours de la Deuxième Guerre balkanique. On essaya, à cette occasion, d'attribuer aussi au roi Charles l'épithète «le Grand». L'existence de ces associations entre Charles 1er et des protagonistes du premier rang de l'histoire ancienne ou médiévale des Roumains fait partie d'un programme extrêmement bien articulé de propagande dynastique. Par une action très complexe, à l'intention surtout de l'opinion publique du pays, on cherchait non seulement à rattacher la dynastie de Hohenzollern-Sigmaringen aux vieilles dynasties de Valachie et de Moldavie, mais aussi à suggérer que l'oeuvre du roi Charles 1er ne saure se comparer, par son importance, qu'à celle de Trajan, qui avait incorporé la Dacie au monde et à la civilisation romaines. Une nouveauté pour l'art roumain de la médaille pendant le règne de Charles 1er sont les portraits du roi associés à ceux de souverains étrangers. Selon des règles compliquées de protocole, mais aussi pour porter des messages politiques et diplomatiques, les bustes apparaissent affrontés ou accolés. Les premières médailles avec de pareilles représentations furent émises en 1896, à l'occasion des visites de l'empereur d'Autriche-Hongrie, François-Joseph II , et du roi de Serbie, Alexandre 1er Obrénovitch. C'est pour souligner l'importance des relations avec ces États que les portraits des souverains sont accolés. Parmi les souverains étrangers, les représentations sur des médailles roumaines de l'empereur d'Autriche-Hongrie sont les plus nombreuses, son portrait et celui de Charles 1er figurant sur six médailles émises en 1896 et sur deux autres, datant de 1902 et 1903. Ces dernières ont été réalisées par un grand médailliste européen, Tony Antoine Szirmaï. L'empereur de Russie Nicolas I I fut immortalisé, aux côtés du roi de Roumanie, sur des médailles et des plaquettes frappées en 1898, à l'occasion de la visite de Charles 1er en Russie, et en 1914, lorsque le souverain russe visita la ville de Constantza. Là encore, les médailles officielles, avec les portraits affrontés, furent modelées par Szirmaï. Sur les médailles populaires produites par 0. Negreanu en 1914 apparaissent aussi les portraits accolés de Charles 1er et Nicolas II . Respectivement en 1902 et 1907, à l'occasion du 25e et du 30e anniversaire de la fin de la Guerre d'indépendance, furent frappées des médailles portant les effigies accolées du roi de Roumanie et de l'ancien empereur de Russie, Alexandre III . C'est toujours à Tony Szirmaï que l'on doit la réalisation des médailles portant les portraits doubles de Charles 1er et, respectivement, Georges 1er, roi de Grèce (1901), Albert 1er, roi des Belges et Gustav V, roi de Suède (1910), frappées à l'occasion des visites que ces souverains avaient entreprises en Roumanie. Sur toutes ces pièces, les effigies sont affrontées. En 1913, sur la médaille officielle frappée pour commémorer la conclusion de du traité du paix de Bucarest le portrait de Charles 1er, qui occupe la position d'honneur, est accompagné des portraites des quatre rois des pays balkaniques -Pierre 1er de Serbie, Ferdinand 1er de Bulgarie, Constantin XIII de Grèce, et Nicolas 1er de Monténégro. Parmi les souverains roumains, Charles 1er a joui du privilège d'avoir le plus grand nombre d'effigies posthumes. Celles-ci recouvrent, grosso modo, avec beaucoup d'interruptions, la période des années 1914-1939. Le nombre et la simplicité des pièces émises pour commémorer là mort du roi contrastent avec ceux des pièces frappées pendant la dernière année du règne, en 1913, et avec le caractère hiperbolizant de certaines légendes. Cette situation reflétait le divorce qui s'était produit en 1914 entre, d'une part, la majorité de l'élite politique et de l'opinion publique, et, d'autre part, le vieux roi, à l'occasion des discussions au sein du Conseil de la Couronne, convoqué pour décider de la position de la Roumanie face au déclenchement de la Grande Guerre. Chose surprenante, le souvenir du fondateur de la dynastie ne sera évoqué de nouveau que plus de dix ans après la mort de celui-ci, en 1925, bien que, en 1922, son successeur, Ferdinand 1er, eût été couronné roi de tous les Roumains à Alba Iulia - occasion favorable pour évoquer le rôle de ChâVles 1er dans la création et la consolidation de l'État national roumain. Entre 1928 et 1939, la figure de Charles 1er apparaît un peu plus souvent sur les médailles; on y devine une intention - de la part, notamment, de Charles I I - de l'utiliser comme un moyen dans la propagande dynastique et de légitimer politiquement le très jeune roi Michel 1er. Ceci est clairement illustré par le traitement, de façon uniformisatrice, des effigies accolées de Charles 1er, Ferdinand 1er et Charles II . Le roi Charles I I ne pouvait pas ignorer les métamorphoses physiques subies par les portraits de ses prédécesseurs, qui ressemblent à s'y méprendre au sien. La médaille devait suggérer l'impression d'unité monolithique de la dynastie, comme si les volontés et l'énergie des trois souverains se confondaient, de même que leurs figures, pour donner naissance au prototype du roi idéal qu'est Charles II . Parmi les nombreux artistes qui ont réalisé les maquettes et les poinçons des médailles et des plaquettes de Charles 1er, on remarque surtout Wilhelm Kullrich, lequel était, en quelque sorte, l'artiste personnel des Hohenzollern-Sigmaringen et aux services duquel avait fait appel, dans le temps, le prince Karl-Anton, père du souverain de la Roumanie. Wilhelm Kullrich, qui appartenait à l'académisme allemand, a dominé nettement l'art roumain de la médaille non seulement entre 1866 et 1887, mais même après sa mort. Paradoxalement, les portraits signés de lui se retrouvent sur des médailles émises jusqu'en 1895. L'influence de Kullrich s'est étendue indirectement, jusqu'à la veille de la Première Guerre mondiale, sur les graveurs, moins doués, des familles de bijoutiers Carniol et Radivon. Les portraits exécutés par Kullrich portent l'empreinte du classicisme, avec certains accents romantiques, sans toutefois être idéalisés. Les souverains inspirent à la fois de la fermeté et une douceur condescendante, de l'équilibre et une confiance sereine dans l'avenir. Ces portraits répondaient le plus aux goûts artistiques de Charles 1er et d'Elisabeth, et correspondaient assez fidèlement à l'image qu'ils se faisaient d'eux-mêmes et de leur mission à la tête de l'État roumain. I l convient d'ailleurs de préciser que, pendant la seconde moitié du XLXe siècle et jusqu'à la Première Guerre mondiale, le classicisme académiste était le courant le plus goûté par les élites aristocratiques de l'époque, de Londres à Saint-Pétersbourg et de Stockholm à Athènes. Après la mort de Wilhelm Kullrich en 1887, sa place fut prise, pendant deux décennies, par un autre artiste allemand, le berlinois Paul Telge, dont les productions classicisantes étaient plus proches des idéaux esthétiques de la famille royale de Bucarest. Telge a exécuté d'importantes commandes de la Cour et du gouvernement de l'époque jusqu'en 1909, mais la valeur esthétique de ces pièces est relativement réduite. Bien que Telge semble avoir joué le rôle de «médailliste de la Cour», durant les dernières années du XLXe siècle et au commencement du XXe siècle, l'oeuvre du sculpteur viennois Anton Scharff a joué un rôle majeur dans l'iconographie officielle de Charles 1er. Anton Scharff peut être considéré comme l'un des plus importants modeleurs européens de la fin du XLXe siècle. Le talent artistique de ce dessinateur et modeleur exceptionnel était doublé d'une fantaisie débordante et d'un remarquable sens de l'équilibre de la composition. C'est ce qui lui permit de transformer en oeuvres exceptionnelles de simples commandes dominées par des allégories de routine. Malgré son grand âge, Scharff a subi l'influence de l'impressionnisme et de l'art nouveau, sous sa forme viennoise. La collaboration d'Anton Scharff avec les autorités de Bucarest avait commencé bien avant 1891. Scharff avait été sollicité dès 1878, pour réaliser la maquette de la médaille commémorant la victoire dans la Guerre d'indépendance et l'annexion de la Dobroudja. Le portrait à l'antique de Charles, exécuté à cette occasion, est l'un des plus intéressants dans l'art de la médaille roumaine, par l'originalité de la composition et la finesse de la réalisation, de même que par le dramatisme qu'il inspirait. En raison des graves problèmes auxquels s'est confrontée la Roumanie au printemps et en l'été de 1878, dus au comportement agressif de la Russie et aux manœuvres des autres grandes puissances, la médaille n'a pas été mise en circulation. Aucun portrait de Charles 1er ne surprend mieux la douleur qu'éprouvait le prince en ces mois-là, devant les coups injustes que lui portait son ancien allié contre l'Empire ottoman et l'abandon de la Roumanie par les autres États signataires des accords de Paris. Le modelage vigoureux, en traits rudes, le dynamisme de la composition caractérisera les portraits ultérieurs créés par Scharff à partir de 1891, seul ou avec l'aide de ses apprentis. Tout comme pour les oeuvres de Kullrich, le prototype «Scharff», le buste de Charles 1er, au visage osseux, aux reliefs durs, aux yeux vifs, braqués, par-delà le spectateur, vers l'avenir, à la capote de général déboutonnée, la poitrine exposée à plus qu'aux intempéries, prêt à affronter héroïquement son destin sur le champ de bataille ou dans la vie de tous les jours, a servi comme source d'inspiration non seulement à des créateurs locaux mineurs, mais aussi à de nombreux artistes étrangers. Un autre médailliste étranger, très sollicité par les autorités roumaines, fut un artiste d'origine magyare, né dans le Banat et naturalisé français, Tony Szirmaï. On peut affirmer que ses productions dominent de loin l'ensemble de l'art roumain de la médaille des années 1898-1914. Ouvert aux influences de l'Art nouveau, Szirmaï essaya d'imposer un renouveau du style et de la technique officiels de la médaille. A en juger d'après les créations qui se sont conservées jusqu'à nous, Szirmaï n'a joui d'un grand succès dans cette démarche que pour les médailles et les plaquettes exécutées à l'intention du prince héritier Ferdinand et sa femme Marie, plus enclins à accepter l'innovation que Charles 1er et Elisabeth. Szirmaï a transmis l'image du souverain à l'apogée de son règne, un vieillard sans âge, ferme et serein. Malheureusement, la plupart de ses projets de plaquettes, très intéressants, inédits, préparés pour les émissions qui allaient marquer en 1914 le 75e anniversaire du souverain, n'ont pas été suivies d'émissions effectives. Les médailles réalisées par Szirmaï, et par d'autres artistes, après 1900, mettent en évidence une tendance à l'idéalisation du portrait royal. La physionomie de Charles 1er, calme et froide, apparaît comme de plus en plus stable, de moins en moins marquée par l'écoulement du temps. Outre les nombreuses médailles des années 1866-1914, modelées par les artistes étrangers, on remarque toute une série d'œuvres d'artistes roumains importants, qui ont eux aussi abordé ce genre. On doit à Dimitrie Paciurea, professeur à l'École des arts et métiers et, plus tard, à l'École des Beaux-arts de Bucarest, une superbe effigie de Charles 1er, réalisée en 1894, dans le style et la technique de la Renaissance italienne. La médaille, l'unique semble-t-il de ce type, exécutée par le premier grand sculpteur roumain, est un chef-d'œuvre du genre, mais reste inconnue de la majorité des numismates et des historiens de l'art, alors qu'elle a également circulé sous forme de copies posthumes coulées, malheureusement de piètre qualité technique. Particulièrement novatrices, par leur modelage vigoureux et le traitement non conventionnel du portrait, sont les médailles exécutées par Constantin Dimitrescu, dont l'oeuvre, influencée de toute évidence par les grands courants artistiques européens de l'époque, mériterait une étude plus approfondie. L'artiste commença à produire des maquettes de médailles en 1897, mais la plupart des pièces datent du règne de Ferdinand 1er. Très importantes, quoique peu nombreuses, soient les médailles maquettées par Cari Storck et Fritz Storck pendant les années 1906-1914. Alors que Storck était un académiste tardif, i l est évident que, Fritz Storck, a été lié à l'Art nouveau, puisqu'il est le premier artiste roumain a eu réalisé des médailles dans ce style. Un autre artiste roumain contemporain important, le dessinateur Gabriel Popescu, a créé, lui aussi, des maquettes de médailles dans les premières années du XXe siècle. Malheureusement, celles-ci ne se remarquent ni artistiquement, ni techniquement - elles ont un relief extrêmement plat. Bien que les médailles créées par Gabriel Popescu fussent fortement marquées par son inclination pour le dessin, ses d'œuvres furent, à l'époque, assez appréciées. Une place à part dans le paysage de l'art roumain de la médaille au tournant du siècle revient aux émissions produites par les firmes bucarestoises des familles Carniol et Radivon, lesquelles jouissaient du statut de «fournisseurs de la Maison Royale». Impressionnante au point de vue quantitatif, la production des deux firmes n'excelle ni au niveau de l'originalité, ni par des réalisations remarquables artistiquement ou techniquement, malgré une évidente amélioration qualitative après 1890 et, surtout après 1900. La plupart des portraits de Charles 1er présentes sur les médailles signées par Carniol ou Radivon sont de simples pastiches de celles créées par Kullrich ou Scharff. Le relief en est plat, et les autres représentations sont très conventionnelles. Le début du XXe siècle voit se développer un centre roumain provincial de frappe de médailles, d'ailleurs assez actif dès les années 80 du XLXe siècle. Il s'agit de Jassy, où, entre 1887 et 1913, activa la firme des frères Elias et Samoil Şaraga, souvent associés à Kissing. Issues d'initiatives culturelles et politiques patriotiques, les médailles frappées par la firme Şaraga présentent un progrès technique aussi continuel qu'important entre 1906 et 1913, bien que, du point de vue artistique, elles restent tributaires de l'académisme. En tout cas, les médailles signées par la firme Şaraga sont très supérieures à celles frappées en d'autres centre de la province, par exemple à Galatz ou à Bârlad. Parfois, ces médailles et plaquettes sont comparables aux meilleures créations de Bucarest. C'est dans cette catégorie que l'on peut placer la série de médailles dédiée à la participation de la Roumanie à la Deuxième Guerre balkanique. L'influence, surtout technique, du puissant centre d'art de la médaille de Vienne est évidente dans bon nombre des médailles frappées en 1913, malgré l'académisme, encore dominant, des représentations. Menachem Carniol, Théodore Radivon et les frères Şaraga ont réalisé de nombreuses médailles et plaquettes «officielles». On peut toutefois affirmer que celles-ci ont dominé surtout le marché roumain des médailles «populaires». Alimenté par les progrès économiques et sociaux, par les convenances de l'époque et par de nombreux événements importants qu'on ait célébrés avec beaucoup de faste, ce marché a connu une extraordinaire expansion entre 1881 et 1914. Les plus originales effigies posthumes de Charles 1er sont celles exécutées par les artistes roumains Emil W. Becker, Ion Jalea et Gheorghe Stănescu. Bien qu'influencé par l'Art déco, Becker a réalisé des effigies surprenantes par leur classicisme, tout comme celles exécutées par Jalea et Stănescu. Pendant presque 45 ans, aucune médaille ou plaquette roumaine n'évoquera les visages des souverains de Roumanie, malgré la célébration à grand faste de deux événements d'importance capitale pour l'histoire nationale roumaine, au cours desquels le roi Charles 1er, Ferdinand 1er et la reine Marie jouèrent un rôle de premier plan: Il s'agit du centenaire de la Guerre d'indépendance et des 60e et 70e anniversaires de la constitution de l'État national unitaire. Ce n'est que ces dernières années, après 1991, et sur des initiatives le plus souvent privées que furent émises des médailles restituant les portraits de Charles 1er, de la reine Elisabeth, du roi Ferdinand 1er, de la reine Marie et du roi Michel Ier.
  • Limba de redactare: română
  • Vezi publicația: Muzeul Naţional
  • Anul publicaţiei: 2001
  • Referinţă bibliografică pentru nr. revistă: XIII; anul 2001
  • Paginaţia: 137-181
  • Navigare în nr. revistă:  |<  <  17 / 34   >  >|