Elena Maria Sorban Cronica muzicală on-line     HOME

„L’Automne Musicale” de Cluj
Commémorations et anniversaires atipiques:
Enesco, Bartók et auteurs roumains contemporains

(Elena Maria Șorban, muzicolog – 3 noiembrie 2015)


Trio Enescu (foto Robert Puteanu)
Trio Enescu
(foto Robert Puteanu)
Le Festival Musical annuel (fondé en 1965), dans la capitale historique de la Transylvanie, Cluj, a organisé d’une manière captivante, pendant sa dernière edition, des commémorations de la mort de Bartók (1945) et d’Enesco (1955). Quelques uns des 17 concerts de l’édition 2015 ont inclu des pièces appartenant aux auteurs célébrés, mais les choses extraordinaires se sont passées ces dernières jours: un récital du Trio Enesco (Allemagne) et un concert qui envisageait des pièces folkloriques avec leurs repliques modernes.

L’avenir est assuré pour Enesco? Son moment historique soit-il justement arrivé? Des jeunes instrumentistes qui font de la musique de chambre incluent sa musique dans leur programme ou, plus que cela, ils assument le nom d’Enesco pour patronyme de leur ensemble. C’est le cas du trio, fondé en 2011, par Alina Armonas-Țambrea (violon), Edvardas Armonas (violoncel) et Gabriele Gylyte-Hein (piano). Réunis pendant leurs études faites en Allemagne, ces musiciens (une Roumaine et deux Lituaniens) se sont dédiés à faire connaître l’oeuvre encore trop peu connue d’Enesco. Encore davantage, de la comparer à ses antecesseurs et contemporains. Leur programme de L’automne musicale en soi-même était très attrayant, contenant des raretés: la Sérénade lointaine (1903) d’Enesco, le Trio op. 120, en ré mineur (1922-23), par Gabriel Fauré et le Trio en sol mineur (1897), aussi par Enesco.

La Sérénade lointaine (1903) d’Enesco est encore romantique par son intensité lyrique et par sa construction d’un développement évolutif continu, spécifique pour toute l’oeuvre enescienne –, mais qui dégage un parfum néo-classique par les raffinements des couleurs, suggérant de vieux instruments…

Fauré – très peu joué en Roumanie – a été l’un des maîtres d’Enesco. Alors, il serait normal de le connaître – pour intuir la continuité de leur pensée créatrice. Le Trio op. 120, en ré mineur a sonné comme une oeuvre post-beethovenienne et post-lisztienne, par la facture musicale dense. Dans cet ouvrage, le piano a une texture complexe et les deux instruments à cordes doivent être fort énergiques, bien que les formes soient classique (sonate, variations, quasi-choral, fugato). On va retrouver la richesse timbrale de Fauré chez Enesco aussi.

Si je devais deviner l’auteur du dernier ouvrage écouté, le Trio en sol mineur, je dirais sans hésitation que se soit Brahms. Enesco était âgé de 16 ans et il était, à ce moment, étudiant à Paris, venant de Vienne. Mais quelle amplitude, quel coulant infini!... – comme à 16 ans. Une oeuvre intense et belle – telle une de maturité.

L’ensemble Trio Enescu est digne de son nom. Les musiciens savent construire un programme convaincant et ils savent l’accomplir pleinement!

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Le soir suivant, un concert qui avait eu lieu dans la grande salle du Musée Etnographique de Transylvanie, a réuni des étudiants qui se spécialisent dans le chant vocal traditionel, respectivement, des interprètes experts dans les instruments de la musique savante ou populaire. Un parallèle fort intéressant et réel, partant de Bartók et le raliant aux compositeurs héritiers, tel György Ligeti (1923-2006) et les roumains Marțian Negrea (1893-1973) et Sigismund Toduță (1908-1991). Comme une antiphonie des époques. Avec de belles explications introductives à suggestions philosophiques, faites par l’ethnomu¬sicologue Prof. Dr. Ioan Haplea, qui a conçu ce programme, intitulé De l’annonymat à nom.

Le filon ancestral était présenté par environ 30 filles et jeunes hommes, chantant alternativement des colindas (chants populaires roumains de Noël). L’intonation juste mais quand-même naturelle, la phraséologie sensible et claire, l’ornementation mélodique discrète et flexible formaient les images sonores des transcriptions faites par Bartók à des milliers de mélodies, dont on en a choisi pour cette occasion presque 20. C’est le mérite de l’Ensemble vocal-instrumental (placé en stéréophonie) des étudiants de l’Académie de Musique „Gheorghe Dima” de Cluj, guidés par le travail laborieux, sage et inspiré de leurs professeurs, Maître de conférence dr. Doina Haplea et Prof.univ. dr. Ioan Haplea.

Une première pièce de composition nous a présenté un Ligeti (âgé de 27, en 1950) bartókien – pas seulement dû à la même source de leur inspiration: le folklore de Transylvanie (dont Ligeti a fait aussi quelques recueils), pourtant de la même manière de l’élaborer. Un bartókianisme pas épigonique, mais élevé. D’autres moments de musique d’auteur étaient dûs aux compositeurs roumains de Cluj, maîtres de notre école componistique: Marțian Negrea, deux minaitures de la Suite pour clarinette et piano (1960): Berceuse et Danse („Cântec de leagăn” – „Joc. La Ilie a’ lui Matei) et Sigismund Toduță, Passacaglia pour piano (1943), dont le pittoresque, respectivement, l’originalité de la synthèse parfaite de la forme baroque et la substance nationale sont evidentes.

La plupart des exemples d’auteur appartennaient, bien sûr, à Bartók lui-même, par certaines morceaux des Duos pour deux violons, des Mélodies des colindas roumaines et aussi les Danses roumaines pour violon et piano. On a admiré surtout l’art parfaite des violonistes Ana Török et Răsvan Dumitru, du clarinettiste Răzvan Ciorbea et du pianiste Horea Haplea – car ce n’est pas un phénomène quotidien de savoir faire et de faire entendre la fusion de la maîtrise technique virtuose classique et le parlando rubato d’origine folklorique – dont l’union donne une liberté souveraine. À propos de cela: il était dans la même salle, que Liszt avait donné des concerts pendant ses deux tournées faites dans les Principautés Roumains (une nouvelle „antiphonie” ultrapassant le temps)...

Revenant à ce soir, il faut aussi louer l’idée de mettre face à face des pièces instrumentals populaires – jouées par un jeune-homme, Theodor Constantiniu, de merveilleuse formation multiple (académique pour le violon et aussi un virtuose de plusieurs instruments de musique traditionelle: le galoubet, le kaval, le violon et aussi le violon à pavillon) – avec les versions componistiques des Danses de Bartók, jouées par le violoniste Răsvan Dumitru.
în timpul concertului (foto Robert Puteanu)
în timpul concertului (foto Robert Puteanu)
în timpul concertului (foto Robert Puteanu)

Cependant, c’est dommage que l’hommage pour Enesco de la Philharmonie „Transilvania” de Cluj n’ait pas organisé ses resources profesionnelles pour faire écouter du moins l’une des grandes oeuvres symphoniques!...

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Un concert plus intime par la participation du public a apporté le tribut à trois ex-disciples de Sigismund Toduță, à l’occasion de leurs âge vénérable: Valentin Timaru (né 1940), Ede Terényi (né 1935) et Hans Peter Türk (né 1940) – représentant, par hasard, les trois nations specifiques pour la Transylvanie (roumaine, hongroise et saxone). Nous avons écouté surtout des oeuvres de leur jeunesse – la plupart, des chansons et des quatuors à cordes –, qui ont gardé leur valeur. Les interprètes de ce soir étaient Dorina Mangra (violon), Eva Butean (piano), Daniela Păcurar (soprano), Vera Negreanu (piano), le quatuor à cordes formé par Radu Dunca, Melinda Béres, Ovidiu Costea, Vlad Rațiu, ainsi que Adrian Cioban (hautbois), Aurelian Băcan (clarinette), Rareș Sângeorzan (basson). Le compositeur Adrian Pop a fait les offices de la présentation.
Valentin Timaru
Valentin Timaru
Ede Terényi
Ede Terényi
Hans Peter Turk
Hans Peter Turk

Dans le post-communisme de Roumanie, le sort de la nouvelle musique reste ingrat: habituellement, on joue les oeuvres une ou deux fois pendant la vie d‘un auteur... Il deviendra la tâche des continuateurs que cela change!

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